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juil. 26, 2017

Les grandes « affaires » historiques à Toulouse (1ère partie)


Conférence-visite dans les rues de Toulouse sous la conduite de Michel ALIAGA le 15/06/2017 jour de l'assemblée générale statutaire de l'association. Grâce au travail de prise de notes et de rédaction d'André Maumus, le propos du conférencier est reproduit ici en 3 parties.

Catégorie : General
Posté par : michelgeny

Préambule : comment on rendait la justice autrefois

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Louis XV roi de France
lors de l'affaire Calas

1ère colonne : le roi

Tout se fait en son nom. Le roi, en sa province, est représenté par un intendant, sauf à Toulouse, ville jugée trop rebelle, indépendante, frondeuse ; aussi l'intendant réside-t-il à Montpellier. En dernier recours, c'est le conseil du roi qui tranche.
En sa province, le roi a un sénéchal avec des fonctions de contrôle de la police et de la justice, via les présidiaux ou les viguiers.
Le procureur du roi instruit à charge et en informe l'intendant et le sénéchal.

2ème colonne : le Parlement de Toulouse

Jusqu'en 1444, la justice était rendue par le Parlement de Paris uniquement. Charles VII se rendit compte que ce n'était plus possible, aussi créa-t-il un 2nd parlement, justement à Toulouse, installé en 1444, et ayant le pouvoir judiciaire sur l'ensemble du Languedoc. Il traitait les affaires mineures et majeures dans toute la province, et tout ce qui concerne l'appel.
Le parlement instruit toutes les affaires impliquant la noblesse, en parallèle avec le conseil du roi.

3ème colonne : le pouvoir judiciaire et policier des capitouls

Dès la fin des comtes de Toulouse, les Capitouls s'emparent d'un pouvoir très important. En 1539, le roi Henri II fait promulguer l'édit de Villers-Cotterêts, par lequel (entre autres) il diminue les pouvoirs des grandes villes. Mais ceci ne concerne pas Toulouse, où les Capitouls conservent tout leur pouvoir, avec les moyens de l'exercer.
Il y a 8 capitouls, 2 pour la justice, 2 pour la police.

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Capitouls au XVIIème siècle

Le fonctionnement des opérations correspondantes se passe sur l'espace situé devant le donjon du Capitole (emplacement de l'ancienne Tour Charlemagne). Il y a là la prison, qui n'est pas un lieu où l'on purge une peine, où l'on détient des prisonniers, mais un espace de transit entre le début et la fin du procès. C'est l'endroit où le procès est instruit. Il y a la prison des hommes et celle des femmes, plus une salle de torture.

De bien cruelles procédures

La justice des Capitouls était un peu plus clémente que celle du parlement. Mais souvent, des exécutions capitales étaient requises.
Si le condamné était noble, c'était la décapitation. S'il ne l'était pas, c'était la pendaison.
Les domestiques étaient exécuté(e)s devant le logis de leur maître.
Les maquerelles publiques étaient mises dans une cage et trempées dans les eaux froides de la Garonne.

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L'actuel donjon du Capitole

Lors des interrogatoires, avant la question ordinaire ou extraordinaire, il y avait aussi la sellette infamante, siège haut et malcommode où l'accusé devait répondre à des questions avant la torture.
La salle de torture était juste devant le donjon du capitole. La question ordinaire consistait en l'étirement des membres jusqu'à l'aveu, et la question extraordinaire en l'introduction d'un entonnoir dans la bouche de l'accusé afin de lui faire avaler 5 seaux d'eau.

Les lieux d'exécution des peines étaient la place St Georges et la place du Salin ou du Parlement. Il y eut peu d'exécutions place du Capitole, sauf pendant la révolution où la guillotine fut installée.

Place St Georges, on pratiquait le supplice de la roue. Le bûcher était réservé à certaines condamnations, il pouvait aussi suivre le supplice de la roue ou d'autres. Place du Parlement, on pratiquait tous les supplices, dont le bûcher et la décapitation (pour les nobles). Pour les gens qui n'étaient pas nobles, la peine directe était la pendaison, il y avait un gibet route de Fronton, et un aux Récollets, près de la chapelle St Roch. Les gibets étaient appelés « la salade » (par ex., Salade – Ponsan).

Il existait aussi un tribunal ecclésiastique, jusqu'à la révolution.

Police et Justice à partir de 1670

Nous avons vu le traité de Villers-Cotterêts (1539), sous Henri II.
Sous louis XIV, en 1670, le traité fut révisé, la justice réorganisée de façon très précise. On ne pouvait arrêter quelqu'un que s'il y avait flagrant délit ou délit de fuite. (nous verrons dans le cas de l'affaire Callas que lui et sa famille furent arrêtés le soir de la mort de son fils Mac-Antoine, et questionnés, alors que ces conditions n'étaient pas remplies. De plus, Jean Callas fut torturé, en 1761, alors que les Anglais et les Russes (la Grande Catherine) venaient d'abolir la torture – en France, ce n'est qu'en 1780 que M. Miromesnil fera abolir la torture, sous Louis XVI, mais le Parlement de Toulouse refusera cette décision).

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La place Saint-Georges ancien lieu des supplices

Lorsque quelqu'un était arrêté, il pouvait être soumis au « brief intendit » : 4 questions étaient posées à l'accusé, en fait des questions arrangées, où l'accusé ne pouvait que reconnaître sa culpabilité implicite.

Puis le « monitoire fulminé » : 9 questions supplémentaires, avec appels à témoins. « Fulminé » : dans les églises, où le curé lisait en chaire les questions, qui étaient quasiment une mise en accusation du prévenu. (Ceci fut peu utilisé dans toute la France, sauf à Toulouse, ville intégriste, où il le restait encore en plein siècle des lumières).

Le monitoire fulminé se concluait par une menace d'excommunication. Ces « dépositions » de témoins étaient par exemple : j'ai ouî dire que quelqu'un a ouï dire qu'une rumeur avait circulé disant que l'accusé a menacé son fils un jour (Calas), et cela valait 1/4 ou 1/8ème de preuve. Et souvent, c'étaient des concurrents qui témoignaient pour se débarrasser d'un confrère. On ajoutait des quantités de morceaux de preuves pour arriver au nombre de preuves requis. Pour l'affaire Calas, il y eut 150 témoignages, 87 furent retenus. Le Capitoul David de Baudrigues voulait 20 preuves, il se mit donc à faire des additions de fractions pour y parvenir.

Extrait de la conférence de M. Aliaga - Rédaction : A. Maumus
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