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Visite de Notre-Dame de la Daurade
Compte-rendu de la visite du 23/06/2021 guidée par notre ami Michel Aliaga
La basilique Notre-Dame la Daurade, dite aussi Sainte-Marie La Daurade est une église toulousaine ayant titre de basilique mineure depuis 1876.
Elle se situe le long des quais de Garonne construits par Marie-joseph Saget dans les années 1770/1780.
Sa restauration qui a commencé en 2017 et s’est achevée fin 2019, a sublimé l’édifice tout entier et nous a révélé le génie du peintre Joseph Roques.
Au fil des siècles …
L’édifice actuel remplace depuis 1773, l’édifice primitif dont l’abside fut élevée entre la seconde moitié du Ve siècle et le début du VIe et dont la nef fut édifiée aux XIe et XIIe siècles.
Des visiteurs attentifs !
Élevée dans la capitale du Royaume Wisigoth (417/508), Sainte-Marie La Daurade fut probablement l’un des plus ancien sanctuaire marial bâti sur un territoire correspondant à la France actuelle, si ce n’est le plus ancien.
La Daurade primitive avec son abside paléochrétienne ornée de mosaïques d’inspiration bysantine, est mentionnée par Grégoire de Tour dès 585.
Désignée comme l’un des trois principaux monuments religieux de la ville par le roi Charles le Chauve en 844, elle devient en 1077 lieu de culte d’un monastère bénédictin placé sous l’autorité de l’abbaye de Moissac, elle-même sous la tutelle de celle de Cluny.
À la fin du XIe siècle, elle domine un lieu de sépulture de certains Comtes de Toulouse et bénéficie d’une forte dévotion de la population attachée à sa Vierge protectrice.
Contrairement à la légende, La Daurade primitive n’a jamais pris la place d’un temple païen de la Toulouse romaine comme l’ont démontré les fouilles archéologiques entreprises de 1960 à 1961 (l’analyse complète de ces fouilles dans les années 2000 démontre que jamais temple n’occupa ces lieux, ni sous la forme d’une construction décagonale ni sous une autre).
La notoriété de l’édifice primitif était très liée à la présence d’une Vierge romane « Noire » (dite « la Belle Brunette » depuis le XVIe siècle), mais aussi au célèbre décor de mosaïques à fond d’or qui est à l’origine du qualificatif « Deaurata" (« La Dorée ») ; mosaïques qui peuvent être datées de la seconde moitié du Ve siècle ou du début du VIe, si l’on considère les fortes influences des mosaïques contemporaines de Ravenne en Italie.
Michel commente l'édifice originel
Fin XIe siècle, des moines bénédictins s’installent au monastère de La Daurade. Au début du XVIIe siècle, ils seront remplacés par des moines mauristes qui vont entreprendre à la fin de ce même siècle puis peu après le milieu du XVIIIe, la construction de dômes qui vont entraîner la ruine totale de la partie paléochrétienne et la démolition de tout l’édifice dans les années 1761/1763.
Certaines des magnifiques colonnes de marbre constituant une partie du décor de l’abside paléochrétienne, seront déposées, puis tardivement récupérées par des particuliers, puis enfin présentées dans des musées (Les Augustins ou Saint-Raymond à Toulouse, le Louvre ou les Cloisters de New-York) ainsi que dans le parc d’un villa niçoise.
À l’exception de quelques fragments (Musée d’Avignon), les mosaïques à fond d’or disparaissent dans les gravats en 1763.
Dans les années 1760/1770, l’architecte Franque fut sollicité par les mauristes pour construire une nouvelle église respectant l’alignement de l’axe est/ouest de l’église primitive.
Dans le même temps, l’ingénieur Joseph-Marie Saget était chargé par l’Archevêque Etienne Loménie de Brienne et les Etats du Languedoc d’un vaste plan de réaménagement des quais de la Garonne. Ce projet urbain, mis en œuvre, ne pouvait se satisfaire du nouvel édifice de Franque qui ne respectait pas les alignements prévus par Saget.
Après le renoncement de l’architecte Franque, l’architecte Philippe Hardy étudia de nouveaux plans et posa la première pierre de l’édifice actuel en 1773.
À la Révolution, après l’expultion des mauristes, l’édifice inachevé devient bien national, le monastère est converti en fillature et le magnifique cloître roman disparaît (nombreux vestiges au Musée des Augustins).
La vierge du XIVe siècle sera brûlée place du Capitole en 1799. En 1812, elle sera remplacée par une copie du sculpteur Ajon.
L’église, rendue au culte, devient paroisse après la Révolution et on décide alors de ne pas terminer l’édifice comme l’avait projeté Hardy (le dôme ne fut pas réalisé et la colonnade d’entrée ne sera élevée qu’à la fin du XIXe siècle).
Tout au long du XIXe siècle, le décor intérieur a été complété en déroulant des vocabulaires décoratifs pas toujours en phase avec le style initial du XVIIIe siècle.
Depuis l’Ancien Régime et plus encore à partir du XIXe siècle, Notre-Dame la Noire est priée particulièrement pour les futures mamans. Cette dévotion s’associait à une dévotion encore plus marquée avant la Révolution, puisque cette Vierge était surtout invoquée en cas de catastrophes naturelles (inondation, sècheresse, tempêtes, incendies, etc.). Elle était alors promenée en procession dans la ville et ses faubourgs (processions placées sous l’autorité directe des capitouls et connues sous le vocable de « Descentes »).
Procession dans la cité
Classée Monument historique depuis le 1er février 1963, la basilique Sainte-Marie La Daurade vient donc d’être restaurée dans son intégralité. Les infiltrations, l’encrassement et la lente détérioration des décors la mettaient en péril.
L’exceptionnel programme de restauration a concerné les bâtiments, les toitures, les décorations peintes, les sculptures, le trésor, l’espace de célébration liturgique, mais aussi les orgues de 1854, les cloches et le mobilier.
Parcours dans la basilique
Sur fond d’architecture de la fin du XVIIIe siècle, la nef, les chapelles et les bras du transept juxtaposent des éléments décoratifs du XIXe siècle signés de grands artistes toulousains qui y ont surtout œuvré entre 1830 et 1884. Des parties néo-classiques dialoguent ainsi avec des grisailles néo-Renaissance de 1837 et des peintures décoratives Saint-Sulpiciennes (peintures des voûtes, vitraux et terres cuites vernissées autour de la Vierge des années 1876/1878).
Dans quatre des arcades des transepts, sont inscrites de grandes peintures exécutées en 1831 par le peintre Constantin Prévost qui met en scène les évangélistes (Saint Jean et saint Mattieu au bras droit du transept et Saint Luc et Marc au bras gauche du transept).
Dans le chœur de l’église, on peut admirer l’œuvre majeure de Joseph Roques représentant du néo-classicisme à Toulouse amis du peintre Louis David et mentor de Dominique Ingres. De 1810 à 1821, Roques réalisa sept toiles monumentales de 8,40 de hauteur sur 4,20 m de large. Ces peintures illustrent la vie de la Vierge. Noirci par endroit, encrassé, altéré par le jaunissement des vernis, décollé partiellement, cet ensemble jadis peu visible, s’impose enfin à nous depuis sa restauration entre 2017 et 2019. Il confère au chœur une force particulière et nous révèle un artiste pas assez reconnu avant cette mise en lumière.
Émerveillement devant les tableaux de J. Roques
De nombreux décors en bois sculptés, dorés, des marbres, stuc et ferronneries qui demandaient aussi à être sauvegardés et dépoussiérés ont retrouvés un éclat qui renforce l’ambiance du lieu.
Les reliefs architecturaux, les bas-reliefs réapparaissent ainsi et font écho aux décors peints. Les nombreux ex voto témoignant de la dévotion à la vierge ont été conservé, apportant une note particulière à ce lieu de dévotion toujours vivante.
Notre Dame la Noire protectrice de la ville et des futures mamans trône dans le transept Sud. Les nombreuses personnes qui lui écrivent toujours du monde entier pour demander sa protection reçoivent encore aujourd’hui un ruban accompagné d’une prière. Dix fois par an, en fonction des fêtes religieuses mariales, sa robe est changée. De grands couturiers lui ont confectionné une robe. C’est dire l’importance que cette Vierge qui incarne les valeurs d’accueil, de protection de confiance et de soin, acquis au fil des siècles.
La « belle brunette »
L'AREC remercie chaleureusement Michel Aliaga pour cette magnifique visite guidée, son sens de la pédagogie et son écoute.
Annick Maumus - Michel Aliaga
Conseils de lecture :
- L’ancienne église Sainte-Marie la Daurade à Toulouse par Quitterie Cazes (Guides archéologiques du Musée Saint-Raymond);
- SAINTE-MARIE "LA DAURADE" A TOULOUSE. Du sanctuaire paléochrétien au grand prieuré clunisien médiéval, par Jacqueline Caille avec la collaboration de Quitterie Cazes;